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Afghanistan

Un an après l'arrivée au pouvoir des talibans, l'Afghanistan submergé par la pauvreté et la maladie

Des enfants hospitalisés pour malnutrition à l'hôpital Boost, géré par Médecins sans frontières, à Lashkar Gah, en Afghanistan, le 21 juillet 2022

Des enfants hospitalisés pour malnutrition à l'hôpital Boost, géré par Médecins sans frontières, à Lashkar Gah, en Afghanistan, le 21 juillet 2022 - Lillian SUWANRUMPHA / AFP

La crise humanitaire s'aggrave dans le pays, un an après le retrait précipité des forces étrangères. Les hôpitaux sont débordés et la pauvreté s'est exacerbée, surtout au sud du pays.

Les salles bondées de l'hôpital délabré du district Musa Qala, dans le sud de l'Afghanistan, ne sont que l'un des symboles de la crise humanitaire dramatique qui frappe le pays, un an après le retour au pouvoir des talibans.

Le personnel hospitalier épuisé

Le mois dernier, cet hôpital de la province de Helmand a été contraint de fermer ses portes, sauf pour les personnes soupçonnées d'être infectées par le choléra. L'infirmerie s'est vite retrouvée encombrée de patients apathiques, des aiguilles de perfusion plantées dans les poignets.

Bien que la clinique ne dispose pas du matériel permettant de tester le choléra, environ 550 patients se sont présentés en quelques jours.

"C'est très difficile", confie Ehsanullah Rodi, le chef de l'hôpital, épuisé, qui ne dort que cinq heures par jour depuis le début de l'afflux de patients. "Nous n'avons pas vu cela l'année dernière, ni auparavant", assure-t-il.

"Rien à manger depuis trois ou quatre jours"

Les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, après le retrait précipité des forces étrangères dirigées par les États-Unis. Si les violences ont fortement diminué depuis, la crise humanitaire dans le pays s'est rapidement aggravée. La pauvreté, plus marquée dans le sud du pays, a atteint un niveau désespéré, exacerbé par la sécheresse et la hausse des prix depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

"Depuis que l'Émirat (taliban) est au pouvoir, nous ne pouvons même pas trouver de l'huile", déplore une femme sur un lit d'hôpital à Lashkar Gah, la capitale provinciale de Helmand, à côté de son petit-fils de six mois souffrant de malnutrition.

"Les pauvres sont écrasés sous leurs pieds", ajoute à propos des talibans cette femme de 35 ans, le visage caché derrière un voile.

Son petit-fils est soigné pour la cinquième fois à l'hôpital Boost, un dédale de bâtiments géré conjointement par le ministère afghan de la Santé et Médecins sans frontières (MSF).

"Nous ne pouvons même pas trouver de pain sec", regrette Breshna, la mère d'une autre patiente. "Nous n'avons rien à manger depuis trois ou quatre jours".

Une détresse économique

Le personnel "n'a pas de repos", ajoute Homeira Nowrozi, la surveillante adjointe des soins infirmiers. "Nous avons beaucoup de patients qui arrivent dans un état critique", développe-t-elle, parce que les parents ne pouvaient pas se déplacer plus tôt.

"Nous ne savons pas combien de décès (...) nous avons dans les districts" parce que beaucoup de personnes "ne viennent pas à l'hôpital", ajoute Homeira Nowrozi, qui lutte pour être entendue au-dessus des cris des nourrissons.

La détresse économique de l'Afghanistan a commencé bien avant la prise de pouvoir par les talibans, mais celle-ci a poussé le pays de 38 millions d'habitants au bord du précipice.

Les États-Unis ont gelé 7 milliards de dollars d'actifs de la banque centrale, le secteur bancaire s'est effondré et l'aide étrangère, représentant 45% du PIB du pays, s'est arrêtée soudainement.

"Si vous entrez dans le pays et dites: 'Je vais payer tous les salaires des enseignants', c'est très bien", estime Roxanna Shapour. "Mais alors, que feront les talibans avec l'argent qu'ils ne dépenseront pas pour les salaires des enseignants?"

"Moins de place" dans les hôpitaux

L'afflux de nouveaux patients signifie qu'il y a "moins de place" et qu'"il y a moins de personnel, donc des difficultés", analyse le directeur de la santé publique de Helmand, Sayed Ahmad.

Néanmoins, ce médecin à la voix douce dont le bureau est garni d'ouvrages médicaux, insiste sur le fait que "la situation globale est meilleure" que sous le précédent gouvernement, où la corruption était monnaie courante.

Le drapeau taliban flotte désormais ouvertement à Helmand, planté sur des bâtiments criblés de balles.

Après avoir convoité le contrôle du pays pendant deux décennies, les talibans dirigent la nation au moment où elle est le plus ruinée. "Les habits du gouvernement sont trop grands pour eux", conclut un homme de Lashkar Gah, qui a souhaité garder l'anonymat.

J.D. avec AFP