Amérique du Sud – Contrebande sans gêne à la frontière entre le Venezuela et la Colombie

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Amérique du SudContrebande sans gêne à la frontière entre le Venezuela et la Colombie

La Tachira sépare la Colombie et le Venezuela. La frontière vient d’être partiellement rouverte, mais les contrebandiers traversent la rivière sous le nez de douaniers impassibles.

Les contrebandiers ne font rien pour se cacher ou se presser, l’un d’eux a pris le temps d’enlever ses chaussures et de retrousser son pantalon avant de traverser la Tachira.

Les contrebandiers ne font rien pour se cacher ou se presser, l’un d’eux a pris le temps d’enlever ses chaussures et de retrousser son pantalon avant de traverser la Tachira.

AFP

«Lutte contre la contrebande», clame un panneau sur le pont qui enjambe la rivière Tachira, entre les villes d’Urena et Cucuta, qui marque la frontière entre le Venezuela et la Colombie. En contrebas, deux hommes, avec d’énormes sacs sur le dos, traversent le cours d’eau, sans que les policiers des deux pays ne bougent le petit doigt. Les contrebandiers ne font rien pour se cacher ou se presser, l’un d’eux a pris le temps d’enlever ses chaussures et de retrousser son pantalon.

La frontière de 2000 km entre les deux pays sud-américains a toujours été poreuse, alimentant contrebande et passages clandestins par les célèbres «trochas», les sentiers illégaux. Sa fermeture officielle, en 2019, en raison des tensions politiques entre Caracas et Bogota, a fait exploser le phénomène et provoqué une chute vertigineuse de l’activité économique côté vénézuélien, souligne Daniel Aguilar, ex-président du patronat de l’État du Tachira. Près de 3500 entreprises et usines ont été rayées de la carte. «Rien que dans la zone, on a perdu 70’000 emplois», souligne-t-il.

«Moins cher que la douane»

Avec la toute relative détente entre les deux pays, des ponts ont été rouverts à la circulation piétonnière en octobre. Environ 20’000 personnes passent désormais chaque jour sur les deux ponts rouverts de la zone. Sans mettre fin aux trochas… «Il y aura toujours des «trocheros» (passeurs, ndlr) et des gens qui ont besoin de traverser», affirme Dani Pedraza, 30 ans, passeur vénézuélien. «C’est moins cher que la douane!» «Je nourris ma famille avec la trocha», dit ce père de trois enfants en poussant un VTT, chargé de plaques de céramique.

Le VTT pourrait s’appeler Vélo-toute-trocha. Comme de nombreux collègues, Dani a customisé le sien pour porter jusqu’à 300 kg dans les chemins étroits et caillouteux. Plus de pédales ni de selle, mais un plateau avec une poignée et un guidon allongé côté gauche et coupé côté droit… Il prend 100’000 pesos colombiens (18,50 francs) pour 300 kg, 30’000 pesos (6,45 francs) pour des paquets jusqu’à 80 kg, portés sur le dos. Le passage dure une dizaine de minutes. «Avant, on travaillait beaucoup, la réouverture du pont ne nous arrange pas.»

Avec des dessous-de-table?

Mais la trocha n’est pas gratuite. Même si on porte son paquet, il faut payer de 10’000 à 15’000 pesos (entre 1,85 et 3,70 francs) aux hommes qui les contrôlent. «On suppose que ce sont les mafias. Des fonctionnaires du Venezuela et de Colombie doivent y trouver leur compte», indique Daniel Aguilar. Mais «ils font aussi semblant de ne rien voir pour des raisons humanitaires, il y a la nécessité pour les gens d’amener de la nourriture» et de commercer.

Nourriture, alcool, médicaments, essence, matériel agricole transitent dans le sens Colombie-Venezuela. Parfois, des motards transportant des hommes avec des sacs à dos foncent sur les chemins. «Cocaïne ou armes», indique un voyageur dans cette région où sévissent gangs, paramilitaires et guérillas. Impossible de savoir combien pèsent les «trochas» mais cela se chiffre en millions de dollars.

«Il faut rouvrir la frontière, c’est vital»

Le commerce a chuté

(AFP)

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