"On est au pied du mur": face à l'urgence, des députés soutiennent la désobéissance civile

"La désobéissance civile fait avancer la loi": face à des débats parlementaires entravés par le 49.3, et confrontés à l'urgence climatique, des députés insoumis et écolos soutiennent certaines actions illégales menées par des militants pour le climat.

Mercredi, une petite dizaine de députés de gauche avaient enfilé leur écharpe tricolore pour soutenir l'action non déclarée de l'organisation écologiste "Dernière Rénovation". Des militants bloquaient le boulevard Saint-Germain, à Paris, pour défendre deux amendements de la gauche allouant 12 milliards d'euros à la rénovation énergétique des bâtiments.

"On a besoin de la mobilisation citoyenne pour que le gouvernement conserve nos amendements parce que c'est vraiment un enjeu majeur. Le gouvernement n'en fait pas du tout assez", s'alarmait la députée écologiste Eva Sas aurpès de l'AFP, à côté de militants collés au bitume sous bonne garde policière.

En début de soirée, Elisabeth Borne engageait la responsabilité de son gouvernement sur le texte via l'article 49.3, enterrant du même coup les amendements adoptés contre l'avis de l'exécutif.

Samedi 29 octobre, dans les Deux-Sèvres, des députés insoumis et écologistes s'étaient également rendus à la manifestation illégale contre les "méga-bassines".

Quelque 36 députés de la majorité se sont dits depuis "choqués" de voir leurs collègues "aux côtés notamment des blacks blocs dans une manifestation interdite par la préfecture" et ont demandé des sanctions.

- "Au pied du mur" -

"On ira sur les rassemblements, même interdits", maintient la députée EELV Sandrine Rousseau. Pour elle, comme pour d'autres, le combat minoritaire au Parlement se prolonge par le soutien à des actions de désobéissance civile non violentes.

"La désobéissance civile est très ancrée dans les protestations écologistes, depuis plusieurs décennies", explique Sandra Laugier, enseignante-chercheuse à l'Université Paris 1. Et dès le XIXème siècle, l'écrivain américain Henry D. Thoreau fut le premier à théoriser la désobéissance civile appliquée à la défense de la nature.

Dans les années 1970, la désobéissance civile est reprise par une partie du mouvement anti-nucléaire. Viennent ensuite en France José Bové et les faucheurs d'OGM dans les années 2000, puis Occupy Wall Street après la crise économique de 2008 et enfin les "Zones à défendre" dont Notre-Dame-des-Landes est l'exemple le plus connu.

"Ce qui est nouveau, c'est cette relation à la vie parlementaire, même si LFI et Mélenchon en ont régulièrement parlé", souligne Sandra Laugier.

"On a besoin de faire le lien entre l'Assemblée nationale et les mouvements de désobéissance civile pour faire monter la pression. On est au pied du mur", plaide Sandrine Rousseau. De son côté, le députée écolo Alma Dufour -ancienne porte-parole de l'ONG Les Amis de la Terre- argue que "la désobéissance civile fait avancer la loi", citant notamment le droit à l'avortement dans les années 70.

"Désobéir pour préserver notre vie à tou.te.s c'est un devoir", tweetait mercredi Cyrielle Chatelain, la cheffe de file des députés écolos.

Des "justifications morales très fortes", souvent mobilisées pour légitimer la désobéissance, relève Sandra Laugier. "Traditionnellement, ces actions sont affichées comme un moyen de dernier recours. Avec l'usage du 49.3, on a l'impression que les voies normales du débat parlementaire sont étouffées", poursuit-elle.

"Tout le monde, députés comme militants, se sent au pied du mur. Les 49.3 cassent cet élan", s'exaspère Sasha Cantet, membre de Dernière Rénovation. Elle se réjouit néanmoins du fort soutien des députés.

- "Chacun sa place" -

"Grâce à leur présence (à Sainte-Soline), les forces de l'ordre étaient moins violentes", explique la militante. Pour autant, "le soutien va dans les deux sens. Notre action (mercredi) est venue en soutien aux députés".

Au quotidien, les députés reçoivent des communications de militants ou échangent directement avec eux.

Les élues interrogées assurent néanmoins ne pas mélanger les genres, en ne participant pas elles-mêmes aux actions et en soutenant exclusivement la "non violence".

"J'ai déjà violé la loi plusieurs fois à titre personnel, je ne le referai pas en tant que députée. Ce n'est pas nous qui avons bloqué la route (mercredi avec Dernière Rénovation, ndlr)", explique ainsi Alma Dufour.

"Chacun sa place", abonde Cyrielle Chatelain. "Notre rôle est dans l'Assemblée, mais sans une mobilisation sociale, on ne peut pas y arriver".

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