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Surpopulation: la contrôleure des prisons exhorte le gouvernement à "affronter la réalité"

Image d'illustration - une prison

Image d'illustration - une prison - PHILIPPE LOPEZ / AFP

"J'ai vu des gens à trois par cellule avec 0,8 m2 d'espace vital par être humain", raconte Dominique Simonnot, qui demande au gouvernement d'"agir" contre la surpopulation.

Cellules qui débordent, cafards qui pullulent... Alors que la France est en passe d'établir un nouveau record du nombre de détenus, la contrôleure des prisons Dominique Simonnot exhorte le gouvernement à "affronter la réalité" carcérale et "agir" contre la surpopulation, dans un entretien accordé à l'AFP.

Nommée contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) il y a deux ans, l'ancienne journaliste du Canard enchaîné a, au gré de visites de contrôle, pu constater le "cauchemar" de la situation actuelle.

À son arrivée à la tête de l'autorité indépendante, vigie des droits fondamentaux, les prisons étaient occupées à 100,7%, avec quelque 61.100 détenus pour 60.650 places. Elles comptent désormais, selon les derniers chiffres officiels, 72.350 détenus, 2053 matelas posés à même le sol, et le taux d'occupation atteint 119,2% en moyenne.

"0,8 m2 d'espace vital par être humain"

À la maison d'arrêt de Bordeaux-Gradignan, occupée à plus de 200%, "j'ai vu des gens à trois par cellule avec 0,8 m2 d'espace vital par être humain", décrit Dominique Simonnot à l'AFP. La nuit, le troisième détenu dort par terre et se sert d'une porte pour y poser son matelas afin de ne "pas respirer des petits cafards au milieu de la poussière", explique-t-elle.

"Gradignan, c'est quand même une prison où les surveillants nous ont dit 'moi (si j'étais) détenu, je ne rentrerais pas dans les cellules', nous ont parlé de leur détresse. Et où les détenus répondent 'il faut les comprendre, ils sont à bout, on est trop'", souligne encore la contrôleure générale.

Après cette visite, le CGLPL a adressé en juillet des recommandations en urgence dénonçant des conditions "inhumaines" de détention, mais son avis n'est pas contraignant.

À la maison d'arrêt de Fresnes, où l'État est condamné à effectuer d'importants travaux de rénovation et qui a fait la "une" de l'actualité cet été pour une course de karting, Dominique Simonnot a vu un détenu "le dos constellé de boutons" de punaises de lit. Elle ne compte plus les courriers de prisonniers qui ne vont plus aux toilettes par manque d'intimité et "qui frôlent l'occlusion" intestinale. Ni ceux témoignant des "hurlements" la nuit d'un codétenu atteint de troubles mentaux. Ou du cas d'un homme qui s'est pendu et qu'on doit décrocher.

"Il y a une vraie mise en danger"

À chaque prison épinglée par l'autorité indépendante, il est répondu "'ne vous inquiétez pas, une nouvelle prison va sortir de terre'". Mais cette "course à la construction est sans fin et les détenus ne peuvent attendre dans ces conditions", tempête Dominique Simonnot.

"Les gens doivent être punis, mais la punition ça ne peut pas être d'entasser des gens comme des poulets de batterie", s'insurge la contrôleure générale. "Quand un ascenseur est prévu pour huit, on n'a jamais entendu 'vous pouvez monter à seize' !"

"Il y a une vraie mise en danger", alerte-t-elle. Ses prises de parole dans des tribunes ou les médias ont pu agacer, notamment des juges. À l'Assemblée nationale, une députée RN a critiqué son idéologie "gauchisante" et "laxiste". "Si être angéliste et gauchiste, c'est regarder en face la réalité, moi j'appelle ça pragmatique", rétorque Dominique Simonnot.

Aucunement "découragée", cette promotrice d'une régulation carcérale inscrite dans la loi voit même une "note d'espoir" dans la multiplication des partisans, dont des hauts magistrats, d'un mécanisme contraignant dès qu'un établissement atteint les 100% d'occupation. Au gouvernement maintenant de "faire preuve de courage politique" en portant cette inscription dans la loi, dit-elle. "C'est du cynisme de ne pas remédier à la réalité telle qu'elle est", estime la contrôleure générale.

S. V. avec AFP