Au Vatican, les fabricants de parchemins du pape bientôt au chômage

Pour réaliser des économies, le Saint-Siège ne renouvellera pas sa convention avec les artisans qui fabriquaient ses documents. Un symbole qui s'écroule.

Source AFP

L'artisan italien Tiziana Sereni prépare un parchemin dans son atelier à Rome, le 12 décembre 2014. Un savoir-faire menacé.
L'artisan italien Tiziana Sereni prépare un parchemin dans son atelier à Rome, le 12 décembre 2014. Un savoir-faire menacé. © AFP

Temps de lecture : 3 min

De père en fils, ils fabriquaient des "parchemins du pape" prisés à travers le monde et dont les bénéfices étaient reversés à ses oeuvres caritatives. Mais leur convention expire et des centaines d'artisans risquent de perdre leur gagne-pain. Des protestataires ont écrit au pape François, très sensible aux questions d'équité sociale, mais n'ont reçu aucune réponse. Au Vatican, on assure vouloir réduire les coûts afin de donner le plus possible aux pauvres et de lutter contre les faux parchemins et l'exploitation commerciale sauvage.

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La décision est donc irrévocable : à partir du 1er janvier, au lieu de laisser fabriquer les parchemins à la main, de manière artisanale, l'aumônier du pape (responsable des oeuvres caritatives), l'évêque polonais Konrad Krajewski, les fera confectionner directement en utilisant des modèles sur ordinateur. Moins beau, moins original, mais moins cher. La "niche" commerciale était pourtant belle depuis un siècle pour des calligraphes et artisans italiens dans le quartier du Borgo. En 2013, l'aumônerie avait annoncé avoir vendu quelque 250 000 de ces parchemins colorés aux lettres finement ornées.

Faussaires

Pour des prix variant entre 7 et 25 euros, on offre un parchemin avec une "bénédiction" du pape pour toutes sortes d'occasions : un mariage à Montevideo, des noces d'or à Manille, un baptême à Paris... Muni d'un certificat du curé de sa paroisse, un fidèle peut passer commande sur le site internet de l'aumônerie du pape ou auprès d'un atelier de calligraphie ou d'un magasin conventionnés. Le parchemin passe par le bureau de l'aumônier recevoir sa signature et le cachet du Vatican.

Paolo Pensa a commencé à fabriquer ces parchemins après-guerre alors qu'il était encore gamin, avec son père Rino, qui travaille toujours à 92 ans. "En guise de voeux de Pâques, le Vatican nous a envoyé à tous une lettre nous prévenant que la convention prendrait fin. Je serai au chômage, avec mes sept collaborateurs", raconte-t-il. "Certains, dont mon père, sont allés parler à Mgr Krajewski et à d'autres. Inutile de discuter. On ne nous a pas fait d'offre de travail. A aucun", déplore-t-il en expliquant qu'il aurait fallu punir les faussaires, pas les artisans. En effet, les exemples de documents non authentiques confectionnés au nom du pape, pour des sommes parfois rondelettes, ne manquent pas. "Sa Sainteté Jean-Paul II accorde de grand coeur la bénédiction apostolique à Jean-Marie Le Pen en invoquant l'abondance des grâces divines", assurait ainsi l'un d'eux, offert jadis au responsable français d'extrême droite.

"Made in Italy"

Mais peu d'artisans ont osé protester contre la fin de la convention, espérant plutôt trouver un arrangement avec le Vatican. Le courrier au pape n'a "recueilli que quelques signatures", soupire Paolo Pensa. "Ils ont peur. On n'a même pas réussi à organiser une réunion." Selon lui, le Vatican va désormais faire fabriquer les parchemins sur ordinateur par des collaborateurs externes travaillant de chez eux. "On dit que c'est pour le prix d'un café espresso, le parchemin", s'insurge-t-il. "Sans doute qu'il y a eu des irrégularités sur le marché des parchemins", reconnaît Sabina Turtura, compagne de Paolo et l'animatrice de la mobilisation.

Mais "il sera toujours possible d'obtenir des parchemins sans cachet officiel, ou avec un cachet faux, ou à un prix plus élevé que celui du Vatican. Si le pape François voulait vraiment être honnête, il dirait que les bénédictions ne sont plus à vendre", insiste-t-elle. "Voilà un made in Italy qui se perd", explique-t-elle avec amertume en assurant qu'environ 500 personnes, employés, négociants, calligraphes, peintres, collaborateurs extérieurs, vont pâtir de la fin de la convention. Pour Paolo Pensa, tout un savoir-faire symbolique et sacré s'écroule. L'informatique ne pourra s'y substituer : "Les gens ne voudront pas aller faire la queue pendant des heures pour avoir à la fin des parchemins moches."


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Commentaires (9)

  • cachoue

    Après 11ans de service licenciée par l évêché du mans j ai pu constatée qu ils étaient très doués pour faire des quêtes donner ils savent moins si que de belles paroles

  • tranxen

    Cela rappelle les orfèvres d'Ephèse (fabricant des idoles) s'insurgeant contre l'apôtre Paul...

  • logatetu

    Les parchemins de la mondialisation, serviront peut - être à la lutte contre le SIDA