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Nominations à l’AFP : les liaisons dangereuses entre le pouvoir et les médias

Indépendance de la presse. Les nouvelles présidente du conseil supérieur  et de la commission financière de l’AFP viennent d’être désignées. Des hauts fonctionnaires qui font douter d’une réelle indépendance de l’organe de presse.

Photos © AFP, photomontage VA
Photos © AFP, photomontage VA

Définitivement adoptée par le parlement le 2 avril 2015, la proposition de loi PS sur la modernisation de la presse incluait une réforme du statut de l’AFP. Celui-ci qui datait de 1957 ne permettait pas d’adapter l’agence au droit européen de la concurrence. Une nécessité rendue impérative par la plainte déposée auprès de Bruxelles par l’un des concurrents de l’AFP qui estimait que l’argent apporté à l’agence par le gouvernement français s’apparentait à de l’aide d’Etat.

Un nouveau statut pour l’AFP

La réforme, inspirée d’un rapport du député socialiste Michel Français d’avril 2014, prévoit donc d’allonger le mandat du PDG de trois à cinq ans, et un élargissement de ses conseils d’administration et supérieur. Le premier doit ainsi intégrer cinq personnalités  nommées par le conseil supérieur de l’agence « en raison de leur connaissance des médias et des technologies numériques et de leurs compétences économiques et de gestion ». Quant à ce conseil supérieur, dont le rôle est renforcé, il accueille désormais en son sein un député et un sénateur.

Des énarques proches du pouvoir

Pour mettre en application ce nouveau statut entré en vigueur, le Conseil d’état a donc désigné Christine Maugüe comme nouvelle présidente du nouveau conseil supérieur de l’AFP. Cette énarque qui a longtemps travaillé au sein du Conseil d’état fut nommée directrice de cabinet de Christiane Taubira le 22 mars 2013 avant d’en être évincée le 2 avril 2014 après la polémique autour de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy. Elle avait, en effet, été accusée de n’avoir transmis le rapport du parquet sur ces écoutes à Christiane Taubira que le 11 mars, lendemain du passage de la Garde des Sceaux sur TF1. Décision arbitraire ou véritable faute professionnelle ? Une négligence dont il n’a, en tout cas,  manifestement pas été tenu rigueur à la femme de Bernard Rullier, membre du PS, conseiller parlementaire et proche de François Hollande qu’il soutient depuis 2012.

La présidence de la commission financière revient à une autre énarque, issue du PS : Laurence Engel. Cette compagne d’Aquilino avait travaillé à la Cour des Comptes, au cabinet de la ministre de la culture Catherine Tasca puis à celui de Bertrand Delanoë à la mairie de paris où elle devient directrice des affaires culturelles. Elle intégra ensuite le cabinet de d’Aurélie  Filippetti : d’après Le Monde elle y aurait été imposée par David Kessler, conseiller à l’Elysée et également ancien membre du cabinet de Delanoë. La ministre de la culture projetait à l’époque  de nommer Agnès Saal (ce qui aurait peut-être évité le scandale des taxis !). Laurence Engel démissionna de ce poste en mai 2014 suite au scandale qui entachait son compagnon poussé à la démission de son poste de conseiller à l’Elysée pour des soupçons de conflit d’intérêt et trafic d’influence.

L’indépendance des médias

Deux énarques proches de l’Elysée viennent ainsi d’entrer en fonction dans des postes clefs de l’une des plus grosses agences mondiales d’information suite à une réforme de statut censée garantir l’indépendance du média. L’ironie est certaine, surtout quand on se rappelle l’une des énièmes déclarations de François Hollande : « Moi président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique, je laisserai ça à des instances indépendantes. »

Le 24 janvier 2013, le président de la république avait pourtant nommé à la tête du CSA l’énarque Olivier Schrameck. Ce collaborateur de Lionel Jospin qui intégra son cabinet dès 1988 et proche, lui aussi, de David Kessler, ne possédait pourtant aucune expérience dans le domaine de l’audiovisuel. Un choix politique selon de nombreux élus de droite.  Le CSA doté de son nouveau président avait ensuite réorganisé son équipe et procédé à une autre nomination controversée : celle de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions en mai dernier. Une enquête de Mediapart soulignait les nombreuses irrégularités qui ont entouré la désignation de l’ancienne directrice exécutive d’Organe-France. Dépourvue d’expérience dans le domaine télévisuel, celle-ci bénéficie cependant d’appuis influents dont celui de David Kessler ou encore  Sylvie Pierre-Brossolette… L’indépendance semble décidément être à deux vitesses dans les domaines médiatique et culturel français.

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