Captive ou libre : Sandra, l’orang-outan d’Argentine, au destin incertain
Sandra, orang outan déjà âgée et qui néglige un brin son pelage, attirait peu l’attention au zoo de Buenos Aires jusqu’à ce qu’un tribunal décide qu’elle a droit à plus de liberté, une première mondiale qui pourrait cependant être fatale au primate.
- Publié le 21-05-2015 à 18h39
De manière inédite pour un animal, un tribunal de Buenos Aires a appliqué en décembre à Sandra une ordonnance d’habeas corpus --droit de ne pas être emprisonné sans jugement.
Saisis par une association de défense des animaux, les juges ont alors considéré que, même si Sandra n’est pas un être humain, elle a des sentiments et peut prétendre à vivre libre.
Mais se pose maintenant la question de la mise en œuvre de cette décision.
Depuis la semaine dernière, la magistrate Elena Liberatori consulte des experts afin de déterminer si l’orang outan peut survivre en liberté après avoir passé toute son existence dans un zoo. Sandra est en effet née au zoo de Rostock (Allemagne) en 1986, d’où elle a été transférée à Buenos Aires en 1994.
Dans l’attente que son sort soit scellé, la primate continue à vivre dans son enclos, en plein centre de la capitale argentine. Petite, voûtée, le pelage roux et emmêlé, Sandra passe ses journées seule. A part les visiteurs du zoo, elle ne voit que les soigneurs qui s’occupent d’elle chaque jour.
«Une libération dans la nature ne serait pas viable», assure à l’AFP Adrian Sestelo, qui dirige le pôle scientifique du zoo et a été consulté mercredi par la juge Liberatori, en tant que témoin.
«Sandra a passé sa vie entière dans un zoo. Elle ne sait comment se nourrir et s’abriter qu’au sein d’un environnement protégé. En liberté, elle ne saurait pas comment réagir face à un prédateur, devant un danger. Elle ne saurait pas comment chercher des aliments ou se construire un abri.»
Une senior de 29 ans
De surcroît, pour un orang outan, Sandra est une senior, ce qui ne joue pas en faveur d’un éventuel déménagement dans la nature.
«Un orang-outan peut vivre jusqu’à 30 ans en liberté et jusqu’à 40 ans en captivité. Sandra a 29 ans. Il est donc dangereux d’opérer un changement d’environnement à un âge aussi avancé. Le simple transfert pourrait la tuer», affirme M. Sestelo.
Également consulté la semaine dernière par la juge, l’expert américain Gary Shapiro, fondateur de la Orangutan Foundation et référence mondiale, avait déjà averti du danger d’imposer un tel changement à un spécimen âgé de plus de huit ans.
Au milieu de son enclos, Sandra se recouvre la tête avec un T-shirt déchiré, semblant jouer à cache-cache avec les visiteurs qui se pressent derrière la vitre.
Le calme de cette petite orang outan d’à peine 1,5 mètre contraste avec l’agitation de ses voisins, des chimpanzés turbulents qui ne cessent de se chamailler. C’est ce qui a incité l’Association de défense des droits des animaux argentine (AFADA) à demander la libération de Sandra, la trouvant «déprimée».
Pour M. Sestelo cet argument absurde car «associer un comportement humain à une conduite animale est une grande erreur».
«La dépression est un sentiment humain. Ce que l’on observe chez Sandra est juste le comportement normal d’un orang-outan. C’est un animal tranquille, solitaire. Les mâles rejoignent les femelles seulement pendant la période de reproduction. Les femelles restent avec leurs petits le temps de les élever, et une fois qu’ils arrivent à la maturité sexuelle, elles s’éloignent.»
En attendant que le sort de Sandra soit fixé, «le zoo améliore les conditions de vie de l’animal», se félicite l’avocat qui représente la primate, Andrés Gil Dominguez.
«Des aménagements ont été conçus à partir de recommandations d’un groupe d’experts, qui jugeront s’ils ont été correctement mis en œuvre une fois qu’ils seront terminés», précise-t-il.
Avant le jugement de décembre, les dirigeants du zoo avaient étudié la possibilité de transférer Sandra dans un réserve naturelle, au Brésil ou aux États-Unis. Mais ils avaient finalement écarté cette hypothèse, au vu des risques que le transfert présenterait pour l’orang outan.