Sans qu'il bouleverse le système des quotas, ce changement est l'un des points en suspens du projet de loi qui sera discuté en commission mixte paritaire (7 sénateurs, 7 députés). Un point qui divise producteurs de disques et radios musicales.

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Pourquoi des quotas'

Au début des années 90, les producteurs s'inquiètent du peu de titres chantés en français à la radio et d'une production "made in France" en berne face aux artistes internationaux.

Pour y répondre, un système de quotas est instauré à partir de 1996: les radios doivent passer au moins 40% de "chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions" aux heures "significatives" d'écoute.

La France emboîte alors le pas au Québec où les radios doivent diffuser 65% de musique francophone. En 2000, le dispositif est assoupli pour s'adapter aux contraintes de certaines radios très spécialisées.

Le service public n'est pas concerné, mais Radio France prend des engagements similaires dans son cahier des charges.

Sont-ils efficaces'

La majorité des radios se conforment aux quotas, selon le ministère de la Culture. Pour autant, ces quotas restent encore quasi-impossibles à remplir pour certaines stations au positionnement musical très spécialisé (jazz, latino, électro).

Chargé de les faire respecter, le Conseil supérieur de l'audiovisuel multiplie les mises en garde (22 en 2015) mais n'a jamais sanctionné une radio.

Selon le principal syndicat des producteurs (Snep), ces quotas expliquent en partie la belle santé actuelle d'une production "locale" et en français. Les producteurs indépendants (UPFI) estiment aussi que "la production française aurait été laminée" sans les quotas. En 2015, la production chantée en français représentait 76% des revenus de la musique en France.

Mais ils pointent un écueil majeur: les radios rempliraient leurs quotas en faisant tourner en boucle les mêmes succès, 10 titres pouvant représenter jusqu'à 75 % des diffusions francophones mensuelles sur certaines radios.

Que souhaite le gouvernement'

Le projet de loi vise à contraindre les radios à "diversifier" leur programmation francophone: si plus de la moitié des diffusions de chansons francophones est concentrée sur dix titres, les diffusions supplémentaires de ces titres ne seront plus prises en compte dans les quotas et les radios devront donc passer d'autres chansons en français pour atteindre les 40%.

Le texte prévoit en contrepartie une possibilité d'assouplissement pour les radios qui prendraient des engagements en faveur de la "diversité musicale". Pour y prétendre, ces radios devraient programmer 45% de nouveautés et s'engager à ne jamais diffuser un même titre (anglophone comme francophone) plus de cinq fois par jour.

Pourquoi ça coince dans les radios'

Une grande partie des radios musicales privées demande le retrait pur et simple de la mesure de limite des rotations, souhaitant rester libre du choix de leurs chansons.

Depuis l'instauration des quotas, le monde de la radio a beaucoup changé, font-elles valoir, notamment avec l'arrivée des radios et des plate-formes musicales sur internet, non soumises aux quotas.

Même une radio comme Nova, qui diffuse beaucoup de découvertes mais peu en français, pense qu'elle n'entrera pas dans les clous malgré l'assouplissement prévu par la loi.

Pourquoi les producteurs ne sont pas rassurés'

Les producteurs saluent le plafonnement des "rotations": cela permettrait d'ouvrir l'antenne à une douzaine de titres francophones de plus chaque année, selon les calculs du Snep.

Ils s'inquiètent en revanche de l'"assouplissement" possible prévu dans le texte, redoutant que ce dispositif soit mal encadré et permettent à un certain nombre de radios de finalement diffuser moins de français. "Même encadrée, cette baisse serait un retour en arrière", a fustigé le patron de Warner Music France, Thierry Chassagne, dans Le Figaro.

Francis Cabrel, dans un appel, a jugé "primordial" de "réserver un espace de diffusion" pour les artistes français et plaidé pour des heures de diffusions "décentes", le matin, l'après-midi, et en début de soirée.

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