L'ancienne gare de Saint-Ouen, le 25 septembre 2014

L'ancienne gare de Saint-Ouen, le 25 septembre 2014

afp.com/Stéphane de Sakutin

Dans le nord de la capitale, cachée sous une couche de graffitis, la gare de Saint-Ouen soigne ses ruines. Posée en équilibre au-dessus de la voie, elle a abrité depuis sa fermeture en 1934 un cinéma, un magasin d'électroménager ou un bazar.

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A l'automne 2015, elle deviendra le "Hasard ludique", "lieu culturel qui se soucie de son environnement", selon ses trois jeunes promoteurs: une salle de 250 places, un local associatif et un restaurant avec vue sur les rails.

Les 23 kilomètres de la petite ceinture, dont seules certaines gares dans l'ouest voient encore transiter des passagers du RER, ont fait l'objet d'une bataille d'idées lors des élections municipales du printemps, entre pistes cyclables et champignonnières dans les tunnels. Première réalisation: les promeneurs peuvent désormais parcourir à pied la voie sur un kilomètre dans le sud de la capitale.

La mairie de Paris promet de nouveaux projets, comme d'autres tronçons de promenade d'ici 2020.

"Nous voulons redonner à la petite ceinture un usage de transport public, à un horizon que l'on ne connaît pas", explique de son côté Jean Faussurier, directeur régional de Réseau ferré de France (RFF), propriétaire de la petite ceinture avec la SNCF. "Mais au lieu d'avoir des surfaces stériles comme ces gares, dont les usages illicites nous préoccupent beaucoup, notre but est de les ouvrir au public", à condition que les installations restent réversibles.

- Pas de projets "venus d'en bas" -

Dans les anciens quartiers ouvriers de l'Est parisien, "La Flèche d'Or" avait fait office de précurseur en accueillant des concerts dans la gare de Charonne. Plus au nord, un club de jazz remplacera ainsi bientôt la "Gare aux gorilles", salle de concert clandestine qui avait investi la gare du pont de Flandres.

Entre le Sacré-Coeur et les puces de Saint-Ouen, on se faufile entre les vendeurs de maïs grillé et les fast-foods pour accéder au hall de la gare d'Ornano. Elle s'est muée cet été en "REcyclerie", un bar-restaurant qui affiche des valeurs écologiques et sociales.

Entre les tables d'occasion en formica et les murs défraîchis, les étudiants côtoient les trentenaires aisés de Montmartre. Les ouvriers du chantier du nouveau tramway, qui longera la gare, passent boire un café à un euro.

Son propriétaire, Stéphane Vatinel, a déjà transformé avec ses associés plusieurs friches industrielles parisiennes en lieux branchés. Il voit les clients de la REcyclerie "consommer en y apportant des valeurs", ce qui doit permettre de "financer des initiatives" avec les bénéfices: prêt de matériel aux bricoleurs, réparation d'objets du quotidien et accueil des associations du quartier.

"Ce lieu est un symbole, il démontre qu'on peut participer à l'effort collectif", plaide-t-il. Pour la touche écolo, un futur potager, une chèvre et une vingtaine de poules voisinent avec les tables posées près des rails.

L'Association de sauvegarde de la petite ceinture, qui luttait pour qu'elle conserve son rôle de transport, se réjouit de cette nouvelle vie, et imagine déjà de refaire rouler des trains remplis de visiteurs entre ces lieux de mémoire ferroviaire.

Mais certains, comme Anne Clerval, auteur de "Paris sans le peuple, embourgeoisement et gentrification de la capitale", s'interrogent sur la vraie portée sociale de ces initiatives. "Tournés vers un public cultivé avec un certain revenu", ces lieux "font de l'argent avec une touche culturelle", estime la sociologue, déplorant "une politique pas très imaginative" de la part de la municipalité "qui ne laisse pas de possibilités aux projets venus d'en bas".

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