Sans l'Afghanistan, Washington inquiet pour les frappes de drones au Pakistan

Mathieu RABECHAULT
<p>La perspective d'un retrait complet des troupes américaines d'Afghanistan fin 2014 risque d'entraver la traque des talibans et des militants d'al-Qaïda dans les zones tribales pakistanaises voisines, forçant Washington à rechercher ailleurs dans la région des bases de repli potentielles pour leurs drones.</p>

La perspective d'un retrait complet des troupes américaines d'Afghanistan fin 2014 risque d'entraver la traque des talibans et des militants d'al-Qaïda dans les zones tribales pakistanaises voisines, forçant Washington à rechercher ailleurs dans la région des bases de repli potentielles pour leurs drones.

C'est de l'Est de l'Afghanistan, depuis la base américaine de Jalalabad que décollent les drones Predator et Reaper de la CIA qui s'attaquent aux militants de la nébuleuse extrémiste dans le Nord-Ouest du Pakistan, à une centaine de kilomètres de là.

Mais le refus du président afghan Hamid Karzaï de signer l'accord bilatéral de sécurité (BSA), conclu avec Washington afin de permettre le maintien d'une présence militaire étrangère après 2014, obère les plans de l'administration de Barack Obama.

Le président américain envisage de maintenir 10.000 militaires en Afghanistan l'an prochain mais planche également sur un retrait complet. Cette "option zéro" aurait des conséquences directes pour les activités "antiterroristes" conduites par les Américains au Pakistan sous l'égide de la CIA.

Les frappes de drones dans les zones tribales sont devenues l'un des principaux instruments de la politique de Barack Obama dans la région, même si leur nombre a fortement décru l'an passé: 369 y ont été conduites depuis 2004, dont 321 sous sa présidence.

Entre 2.000 et 4.700 personnes, essentiellement des militants mais aussi des centaines de civils, selon différentes évaluations, ont été tuées dans ces frappes.

<p>Un drone américain Predator</p>

"Si on veut continuer à maintenir la pression dans la région, on doit chercher des alternatives", résume un haut responsable militaire s'exprimant sous couvert de l'anonymat.

"Le gouvernement commence à y réfléchir et à s'y préparer", explique-t-il à l'AFP, mais "aucune autre option n'est idéale".

- L'influence russe -

L'une d'elles serait une autre base en Asie centrale où déployer les drones. Sans évoquer directement les appareils pilotés à distance, le chef du Pentagone Chuck Hagel a reconnu au début du mois que Washington évaluait "constamment" la situation et notamment "où il y a des alliés désireux de travailler avec" les Américains.

Mais les solutions ne sont pas légions. Au Pakistan même, les Américains utilisaient leurs drones depuis la base de Shamsi, dans le sud-ouest du pays. Mais Islamabad les en a chassés en décembre 2011.

Au Kirghizstan, la base de Manas, un important noeud logistique pour l'armée américaine, doit être évacuée d'ici juillet. En Ouzbékistan, les Américains ont été évincés de la base de Karshi-Khanabad en 2005.

Une autre piste pourrait être celle du Tadjikistan. Le général Michael Nagata, le patron des forces spéciales américaines pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale (Centcom) s'est rendu à Douchanbe fin janvier.

Les forces spéciales travaillent souvent en étroite collaboration avec la CIA. A Douchanbe, le général Nagata a notamment discuté des moyens de "soutenir la stabilité et la sécurité en Asie centrale", affirme l'ambassade américaine dans un communiqué sibyllin

Aucun de ces pays ne semble prêt à accueillir des drones américains, juge Jason Campbell, chercheur à la Rand, un important cercle de réflexion. En tout cas, "pas au prix de leur relation avec la Russie", qui préserve "jalousement ses liens avec ces pays", d'anciennes républiques soviétiques, explique-t-il à l'AFP.

Au-delà de la localisation des drones, une autre conséquence d'un retrait d'Afghanistan serait la capacité même de la CIA à recueillir des informations sur les zones tribales.

"C'est pourquoi la communauté du renseignement soutient le maintien d'une présence américaine" en Afghanistan, justifie le haut responsable militaire.

Au côté des soldats américains, de nombreux agents du renseignement américain sont stationnés le long de la frontière pakistanaise, écoutant les communications et cultivant les contacts pour identifier et localiser les talibans pakistanais et militants d'al-Qaïda, explique Jason Campbell.

Le départ des militaires américains s'accompagnerait de celui des agents de renseignements et donc des cibles pour les drones, résume-t-il: "quand on arrive au point d'envoyer un drone pour attaquer quelqu'un, ce n'est que la fin d'un long processus".

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