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Venezuela : les galeries marchandes, vitrines du consumérisme devenues villages fantômes

Venezuela : les galeries marchandes, vitrines du consumérisme devenues villages fantômes

Vitrines vides, magasins sans marchandises, horaires d'ouvertures réduits : les centres commerciaux au Venezuela travaillent au ralenti en raison des nombreuses limites imposées par le gouvernement sur l'accès aux devises, les marges de bénéfices ou le montant des loyers.

Dans le pays disposant des plus importantes réserves de pétrole au monde, où le consumérisme effréné est habituellement la norme, même depuis l'avènement il y a 15 ans du socialisme à la mode "chaviste", les centres commerciaux les plus courus font de plus en plus figure de villages fantômes, alignant leur cortège de boutiques vides ou fermées.

"Les centres commerciaux sont comme une façade du pays et celui qui vient au Venezuela se rendra compte que de 2013 à aujourd'hui, il y a eu une détérioration du secteur, c'est le chaos", estime pour l'AFP Claudia Itriago, responsable de la Chambre vénézuélienne des centres commerciaux (Cavececo).

Avec 586.000 employés, soit 10% des emplois du secteur privé dans ce pays sur 30 millions d'habitants, Mme Itriago lance l'alerte sur le choc que représenterait pour l'économie du Venezuela une chute du secteur commercial, asphyxié par une inflation de plus de 57% et une croissance économique en berne.

Ces dernières semaines, des représentants des secteurs du commerce, des chaussures et du textile se sont réunis avec le président Nicolas Maduro, héritier politique du défunt Hugo Chavez (1999-2013) et des membres de son gouvernement pour demander des mesures leur accordant une meilleure viabilité.

Les pénuries d'aliments, fournitures, pièces détachées ou produits de consommation courante sont endémiques au Venezuela mais les centres commerciaux étaient restés imperméables au phénomène, avec des rayonnages débordant de marchandises, y compris de nombreuses marques étrangères.

Le changement s'est accéléré depuis novembre, après que M. Maduro a émis un décret imposant des règles drastiques au secteur marchand, limitant par exemple les marges bénéficiaires à 30% et enjoignant les commerçants à baisser leurs prix jusqu'à 70%.

"Après ces baisses, il ne nous est plus rien resté, nous avons sorti tout ce que nous avions et nous n'avons aucune date pour l'arrivée de nouveaux vêtements", témoigne ainsi la gérante d'une enseigne Zara.

Les réassorts sont une gageure au Venezuela, qui importe quasiment tout ce qu'il consomme, alors que sévit un strict contrôle des changes rendant l'accès au dollar, nécessaire pour importer, très difficile.

L'existence de trois types de change officiel, de 6,3 à presque 50 bolivares pour un dollar, en plus d'un marché parallèle où le billet vert s'échange jusqu'à 60 bolivares, complique encore la donne.

"Pour importer, nous demandons des dollars (aux autorités), mais on ne nous accorde pas toujours ce dont nous avons besoin, alors avant, nous complétions avec des dollars parallèles, mais avec le système de contrôle des prix, il est impossible de continuer comme cela", se lamente un autre gérant de boutique, sous couvert d'anonymat.

"Hors service, pièces importées nécessaires", avertit une pancarte sur les escaliers mécaniques d'un luxueux centre commercial de Caracas, dont la moitié des toilettes sont également fermées, faute de produits d'hygiène.

Car un autre décret présidentiel a imposé une forte baisse des sommes exigées par les centres commerciaux aux boutiques pour assurer l'entretien des galeries. Et les loyers ont été limités à quatre dollars (au change parallèle) le mètre carré.

"Tous ces contrôles ont fait que la rentabilité des centres commerciaux a été fortement affectée et si cela ne change pas, notre secteur va devenir non viable", pronostique Mme Itriago, qui affirme malgré tout être "positive" sur l'issue des échanges avec le gouvernement.

La détérioration de la situation dans les galeries marchandes se répercute également sur la vie quotidienne des Vénézuéliens, qui y trouvaient un sentiment de "sécurité" dans un pays affichant parmi les taux d'homicide les plus hauts de la planète.

"Les centres commerciaux sont un refuge, un lieu sûr où les familles se réunissent, font leurs courses, mangent, vont au cinéma. Nous perdons en qualité de vie (...)", estime José de Martin, président de l'organisation Profranquicias, qui regroupe 500 entreprises et 12.800 commerces.

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