Handball

Handball : la France à nouveau championne du monde

Toujours en tête mais jamais tranquilles, les Experts ont remporté dans la douleur leur cinquième titre mondial, un record, contre le Qatar, à Doha, 25-22.
par Sylvain Mouillard
publié le 1er février 2015 à 18h56
(mis à jour le 1er février 2015 à 19h29)

Ils avaient connu l'atmosphère brûlante de Zagreb en 2009 et la Jyske Bank Boxen d'Herning gorgée de 14 000 Danois l'an passé. Dans un cadre plus inattendu, la Lusail Arena au Qatar, devant l'émir Tamin Bin Hamad Al-Thani, les handballeurs français ont décroché une nouvelle couronne mondiale en terrain hostile. Les joueurs de Claude Onesta ont battu ce dimanche la cosmopolite sélection qatarie (25-22) pour ajouter une cinquième étoile à leur maillot. Une performance qui les place seuls en tête des palmarès, devant la Roumanie et la Suède, quatre titres mondiaux chacune.

En tête à la pause (14-11), les tricolores ont galéré toute la seconde période pour éteindre des Qatariens portés par leur gardien bosnien survolté, Danijel Saric (14 arrêts). La liste pourrait être agrémentée des artilleurs monténégrin Markovic (7 buts) et cubain Capote (6 buts), ou du déménageur espagnol Borja Fernandez au pivot. Mais ces Bleus ne sont pas du genre à flancher quand il faut visser le jeu. Le gardien Thierry Omeyer, 38 ans, a continué sur la lancée de ses derniers matchs. Nikola Karabatic, le meilleur joueur du monde, a donné son corps pour distribuer cinq passes décisives à ses partenaires et inscrire autant de buts. Et le capitaine Jérôme Fernandez, 37 ans, est sorti du banc quand ça tanguait sévère pour planter un pion qui valait cher, pour ce qui sera peut-être sa dernière grande finale internationale.

«Je suis très fier de toutes les générations de joueurs avec lesquelles j'ai gagné des titres», déclarait, dans une forme d'adieu, le Toulousain au micro de BeIn Sport après match. «Vu le contexte, le bruit, la fin de compétition où on manquait de fraîcheur, il a fallu jouer avec du courage plus qu'avec brio», analysait de son côté le sélectionneur. Qui saluait une victoire «méritée» sur l'ensemble de la compétition pour des Bleus qui ont confirmé que la transition amorcée l'an passé était en bonne voie. Le titre conquis au Qatar leur apporte en outre un bonus appréciable : un ticket pour les Jeux de Rio en 2016, pour lesquels les Français n'auront donc pas à batailler dans des tournois qualificatifs.

«La peur n'existe plus»

Reste une question : le handball est-il en train de perdre tout intérêt sportif, avec cette équipe qui cannibalise la discipline depuis une décennie ? On fait les comptes : depuis 2006, sur douze compétitions internationales disputées, les Bleus ont joué huit finales, pour huit victoires. Dans le détail, ça donne deux médailles d'or olympique, trois Euro, et désormais trois Mondiaux. «Il s'est créé dans ce groupe une habitude de jouer les moments ultimes, raconte Philippe Bana, le directeur technique national. C'est un peu bizarre, mais la peur n'existe plus chez ces joueurs.»

Un sentiment qui, à l’en croire, habite encore les esprits des adversaires des tricolores. Notamment les Danois, esthètes de la discipline, mais qui restent les fesses rosies par les déculottées reçues en finale en 2013 (face à l’Espagne) et en 2014 (face à la France). Pour tenter d’expliquer ces victoires à répétition, on pourrait évoquer la qualité exceptionnelle de plusieurs joueurs clés des Bleus, qui, chacun à leur poste, auraient leur rond de serviette dans le top 5 de l’histoire de ce jeu : Thierry Omeyer dans les cages, Michaël Guigou à l’aile gauche, Daniel Narcisse en arrière gauche, Nikola Karabatic en demi-centre.

Penser au futur

«Mais chez les jeunes, les Danois nous massacraient régulièrement, rétorque Bana. Niklas Landin et Mikkel Hansen [stars de l'équipe scandinave, ndlr], intrinsèquement, ne sont pas moins bons que nos joueurs.» Les racines du succès sont plus profondes, d'après le DTN. Une «culture de la performance» au sein de la fédération, qui veille sur un vivier de 500 000 licenciés, dont la crème est aiguillée vers 25 pôles espoirs. Une stratégie tournée vers le «futur», et non dans la «commémoration», poursuit Bana. «Sylvain Nouet [l'ancien adjoint d'Onesta, NDLR] prépare les espoirs fédéraux. On connaît les noms des joueurs de demain, dont une partie a été championne d'Europe en jeunes l'été dernier.»

L'ultime étage de la fusée, c'est le «compagnonnage», élément de langage récurrent des tricolores. Ce groupe bleu, à en croire Bana, «c'est comme le Sénat», il est renouvelé «par tiers». «Tous les ans, un jeune est intégré dans l'équipe. Comme le petit Mathieu Grébille, qui sera un grand arrière gauche dans le futur.» Bana parle d'une «culture familiale», mais pas seulement. «Ce ne sont pas que des potes. Il y a dans cette équipe une exigence mutuelle permanente, un regard critique des uns vers les autres. Pour eux, tu n'as pas le droit d'être moyen, et tu dois te mettre au diapason.» Le prochain rendez-vous est fixé dans un an, pour l'Euro en Pologne.

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