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Le plus secret des services de renseignement français recrute

Le Lion  au Serpent du sculpteur Antoine-Louis Barye est l'insigne de la DRSD.

Le Lion au Serpent du sculpteur Antoine-Louis Barye est l'insigne de la DRSD. - AlphaCorps - CC

La DRSD, le département des renseignements français le plus taiseux de tous, sort de l’ombre pour recruter 300 agents. À la recherche de spécialistes de l’informatique, la DRSD pâtit de la plus forte attirance des candidats pour un service plus connu, la DGSE.

Derrière l'imposante porte du fort de Vanves, dans le sud de Paris, se dissimule le service de renseignement français sans doute le plus secret: la Direction du renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), en pleine mue technologique.

Créée en 1872 après la déroute de la France face à la Prusse, la DRSD a ouvert la première fois ses portes mardi à des journalistes, ce qui est loin d'être "naturel", reconnaît le général Eric Bucquet, ancien directeur des opérations de la Direction générale de la sécurité extérieure.

La DGSE surfe sur l’aura "Bureau des légendes"

Le service, qui emploie plus de 1.300 personnes, a besoin de se faire connaître: il recrute 300 agents cette année, notamment ingénieurs et spécialistes de l'informatique. Des compétences également traquées par des services plus connus comme la DGSE qui profite, elle, de l'aura de la série TV "Bureau des Légendes".

Aux côtés des cinq autres services de renseignement français (DGSE, DGSI, Tracfin pour les opérations financières, DRM en appui des opérations militaires, DNRED pour les douanes), la DRSD opère sur un périmètre clair: celui de la défense.

Ce service de contre-ingérence a pour mission de protéger les militaires et leurs installations en France et sur les opérations extérieures comme Barkhane dans le Sahel. Il veille également sur les 4.000 entreprises du secteur de la défense, de plus en plus ciblées par des tentatives d'intrusion ou de prises de contrôle.

La menace sur la sécurité économique explose

Dans le centre de veille opérationnelle et de commandement, une équipe d'agents projette la photo de Demetra, employée fictive d'une institution de la défense, convertie à l'islam chiite et étudiante en farsi. Alertée par un autre service de renseignement, la DRSD mène l'enquête sur la jeune femme, ses relations, ses déplacements, son empreinte numérique et finit par identifier un risque fort de recrutement par un service étranger. Son habilitation défense sera retirée et son contrat rompu. Idem pour un soldat qui montrerait des signes de radicalisation.

Selon le général Bucquet, le risque concernant l'islam radical dans les armées est "contenu" (de l'ordre de la dizaine sur 300.000) notamment en raison de "l'encadrement de proximité" des militaires. Quant aux cas d'anciens soldats partis rejoindre le groupe Etat islamique en Syrie ou en Irak, "ce sont souvent des individus qui ont quitté l'armée après un court séjour", assure-t-il.

En revanche, "la menace sur la sécurité économique est en explosion" de la part de pays comme la Chine, Russie voire d'alliés, pointe Paul Chiappore, sous-directeur stratégie et ressources de la DRSD. Cela passe par des tentatives de manipulation classiques, mais aussi numériques, juridiques ou purement économiques, via des rachats agressifs de pépites technologiques françaises pour s'en approprier le savoir.

L'intelligence artificielle, une priorité

Pour mener leurs enquêtes, les équipes utilisent une panoplie de techniques utilisées depuis des décennies mais de plus en plus discrètes comme les caméras et micros cachés dans des sacs à main ou des ours en peluche, recousus par un agent couturier.

Mais la DRSD dispose également depuis l'an dernier d'un logiciel innovant, Spartiate, qui permet d'accomplir en quelques clics ce qui demandait plusieurs heures auparavant. Une vidéo de cinq heures est ainsi découpée en de nombreux petits événements et en croisant des critères (couleur des vêtements, cheveux, homme/femme...), un agent peut très rapidement retrouver sa cible, son parcours, ses interactions.

"L'accélération du cycle du renseignement" via l'intelligence artificielle est une priorité pour la DRSD, qui espère aussi pouvoir par ce biais automatiser le traitement des 400.000 habilitations (très secret défense, secret défense, confidentiel défense) dont elle est responsable.

N.G. avec AFP