A Jérusalem, la jeunesse palestinienne rêve d'une nouvelle Intifada
- Publié le 31-10-2014 à 13h42
Hicham est né avec la deuxième Intifada il y a 14 ans tout juste et aujourd'hui, dans son camp de réfugiés de Jérusalem-Est, il se prend à rêver d'un nouveau soulèvement pour défendre Al-Aqsa, l'emblématique mosquée de la Vieille ville.
Le troisième lieu saint de l'islam est sur toutes les lèvres dans la partie palestinienne occupée et annexée de Jérusalem.
Chômage, brimades, colonisation... Les raisons de la colère qui se manifeste aujourd'hui sont multiples, mais c'est pour Al-Aqsa que tous disent être prêts à se battre. Au-delà de la religion, Al-Aqsa et l'esplanade des Mosquées sont devenues le symbole de l'oppression israélienne vécue au quotidien.
Pour Hicham, dont les grands yeux en amande brillent sous la capuche gris clair de son pull, les visites de plus en plus nombreuses de juifs sur l'esplanade sont comparables aux incursions de plus en plus fréquentes des soldats israéliens dans son camp de réfugiés de Chouafat.
"A trois heures du matin, les soldats entrent dans le camp, imposent un couvre-feu, perquisitionnent, frappent et arrêtent", raconte-t-il. Alors, "on s'est habitué, tous les jeunes entrent et sortent de prison régulièrement".
A 14 ans, Hicham aussi a déjà fait un séjour en prison: une semaine pour des heurts sur lesquels il ne veut pas s'étendre mais qui lui vaudront d'être jugé dans moins d'un mois. "A Jérusalem-est, un jeune n'a plus le droit de vivre, de sortir ou de bouger".
"Il n'y a pas de paix à Jérusalem, c'est l'Intifada", renchérit Mohammed, 20 ans. Lui sort tout juste de quatre mois de prison mais, "je suis prêt à retourner tout de suite affronter les soldats israéliens, je ne peux pas supporter de voir des colons sur l'esplanade des Mosquées, alors que les musulmans sont interdits d'y entrer", affirme-t-il, en référence aux restrictions d'âge à l'entrée du site régulièrement imposées par Israël.
- Pression accumulée depuis des années -
Pour Waël Mahmoud, travailleur social dans le quartier de Issawiya, en proie à de violents affrontements depuis une semaine, les raisons sont plus profondes, et la colère mûrit depuis longtemps devant une colonisation israélienne qui gagne du terrain et fait craindre aux Palestiniens de n'être plus là pour longtemps.
Quelques centaines en 1967 au moment de l'annexion, les juifs sont désormais environ 195.000 sur une population de près de 500.000 habitants à Jérusalem-Est.
"La pression monte depuis des années. Le chômage des jeunes est fort et même ceux qui travaillent ne peuvent pas faire face au coût de la vie élevé. Le racisme des colons est toujours plus virulent. Les attaques sont quotidiennes et Al-Aqsa est venue s'ajouter à tout cela", explique cet homme en même temps qu'il tente une médiation avec l'armée israélienne. Celle-ci achève ce soir-là de fermer tous les accès à son quartier.
Pour lui, si le siège des 25.000 habitants de Issawiya n'est pas levé, l'explosion sera violente car les jeunes sont décidés à en découdre.
A côté, Salah, 23 ans, affirme "ne plus croire au dialogue et aux solutions pacifiques" de Waël. "Ce qui a été confisqué par la force, sera repris par la force", lace-t-il. "Israël veut en finir avec les Palestiniens à Jérusalem. C'est un conflit démographique et religieux, ils attaquent les maisons et maintenant Al-Aqsa".
"Ils veulent nous contrôler, nous imposer des papiers d'identité biométriques, ils multiplient les check-points", dénonce Mounzer Taleb, qui dirige les scouts du camp de Chouafat.
- "On n'a que Dieu"
Chaque contrôle est synonyme de nouvelles humiliations, comme pour Abou Moussa, qui joue de la grosse caisse dans la fanfare des scouts et qui s'est récemment fait passer à tabac à un check-point. Pour ne pas avoir de problème, "il faudrait ravaler notre dignité et être doux comme des agneaux", maugrée-t-il. "La justice, il ne faut même pas compter dessus. Ni les tribunaux israéliens ni même aucune institution palestinienne: personne n'est avec nous, on n'a que Dieu".
Face à tout cela, lance, amer, Mounzer, "je ne dis pas à mes enfants +haïssez les juifs+. Ils voient d'eux-mêmes la situation".La situation ces derniers mois, pour les Palestiniens, c'est une escalade entamée tout début juillet quand des extrémistes juifs ont brûlé vif un jeune Palestinien, Mohammed Abou Khdeir, en représailles à l'assassinat de trois Israéliens, des centaines d'arrestations, puis 50 jours d'une guerre meurtrière à Gaza -- près de 2.200 morts, dont un quart d'enfants -- et des affrontements désormais quotidiens à Jérusalem-Est.
Depuis, assure Waël, "les enfants ici grandissent dans la peur d'être le prochain Abou Khdeir".
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