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Les enfants ex-otages de Boko Haram réapprennent à vivre au Tchad


Des Tchadiens déplacés à cause des attaques de Boko Haram, dans le village de N'Gouboua, Tchad, 5 mars 2015.
Des Tchadiens déplacés à cause des attaques de Boko Haram, dans le village de N'Gouboua, Tchad, 5 mars 2015.

Ils ont 19 et 15 ans. Comme des centaines d'enfants, Moussa et Ali ont été pris en otage pendant plusieurs mois par le groupe islamiste nigérian Boko Haram avant de s'enfuir et revenir au Tchad où ils tentent de se reconstruire dans des circonstances précaires.

"Je n'aime pas parler de cette époque", lance Ali, agacé, appuyant ses mots d'un regard dur et froid. Boko Haram, "c'était l'enfer", selon Moussa, qui répond avec un sourire poli, en se triturant les mains, sous une hutte en paille dans un camp de déplacés sur les bords du lac Tchad.

C'est en 2015 qu'Ali et Moussa (noms d'emprunts) ont vu leur village attaqué par des membres de la secte islamiste, comme avant eux des milliers de villageois de la communauté Buduma, vivant de la pêche et de l'agriculture au nord de N'Djamena, à la frontière du Cameroun et du Nigeria.

"Ils disaient leur version du Coran avec le mégaphone de la mosquée et demandaient aux gens de les rejoindre, sinon ils iraient en enfer", se souvient Moussa.

"+Là-bas, au combat, vous aurez de l'argent, vous irez au paradis+, nous disaient-ils. Il y avait quelques volontaires mais ils n'en ont pas trouvé assez. Donc ils ont commencé à tuer six personnes et ont pris une quarantaine d'otages", poursuit le jeune homme.

Kidnappé, ramené du Tchad jusqu'au Nigeria, Moussa a travaillé 9 mois comme pêcheur pour Boko Haram. Ali, emmené jusqu'au Niger, a dû pêcher deux ans pour le compte de Boko Haram.

Dans leur malheur, les deux jeunes Tchadiens ont eu la chance de ne pas être enrôlés comme combattants ou kamikazes.

Le nombre d'enfants-kamikazes a triplé sur les six premiers mois de 2017 par rapport à toute l'année 2016. Entre janvier et juillet 2017, 106 enfants (dont 60 filles) ont été utilisés comme "bombes humaines" par Boko Haram, indique Thierry Delvigne-Jean, chef de la communication Unicef à Dakar joint par l'AFP.

- Fuir Boko Haram -

Il n'empêche. "C'étaient des mois très difficiles", se souvient Moussa. "Chaque nuit, tu es en danger à cause des bombardements de l'armée tchadienne et nigérienne. Tu ne fais que penser à quand tu vas mourir".

Une nuit, Moussa s'est enfui. Ce sont des appels a la désertion entendus a la radio qui l'ont poussé a fuir Boko Haram, explique-t-il.

Depuis le Nigeria, il a marché jusqu'au Tchad avec un groupe. "Cinq personnes sont mortes en cours de route. On avait pris un stock de noix, on en mangeait une toutes les heures".

Ali, capturé à 13 ans par le groupe islamiste, a lui pris la fuite par bateau. "Je suis parti pêcher avec mes camarades, et nous ne sommes jamais revenus".

Aux adultes qui tentent de déserter, Boko Haram impose la peine de mort, se souvient-il. Les mineurs sont quant à eux isolés et privés de nourriture.

A leur retour, Ali et Moussa ont pu bénéficier du soutien de l'Unicef, qui affirme avoir aidé avec le gouvernement tchadien plus de 100 enfants à retrouver leurs proches depuis janvier 2017.

- Survivre -

Les deux adolescents vivent sous les toits de paille recouverts de bâches données par l'ONU dans ce camp de déplacés près de la ville tchadienne de Bol, à quelques kilomètres des rives du Lac.

Ali et Moussa ont rejoint les 2,3 millions de déplacés du bassin du Lac Tchad, zone entre le Tchad, le Nigeria, le Niger et le Cameroun.

Orphelin, Ali vit avec sa tante et son grand frère, lui aussi ex-otage de Boko Haram. Orphelin, il a appris la mort de son père, tombé malade en apprenant que ses deux enfants étaient tombés entre les griffes de la secte jihadiste.

Les villageois ont bien acceptés Ali et Moussa à leur retour, mais la vie quotidienne est difficile. Les repas sont rares dans ce camp qui dépend principalement de l'aide humanitaire.

"Il manque des pirogues et des filets pour pêcher", dit Ali, qui revient pêcher dans les eaux du lac. La situation sécuritaire s'est améliorée mais il regrette que soldats tchadiens qui lui "taxent" parfois de l'argent.

Aujourd'hui, se nourrir reste la principale préoccupation d'Ali et Moussa, comme les 7 millions de personnes qui souffrent de la faim dans la région du lac, d'après les Nations unies.

Environ 1.300 personnes - dont 500 enfants - ont quitté depuis juillet 2016 les rangs de Boko Haram pour revenir au Tchad, détaille Bakary Sogoba, chef protection de l'enfance pour l'Unicef au Tchad.

Cette vague de retour serait due à une reprise du contrôle de certaines îles par l'armée tchadienne ou à une stratégie militaire mise en place pour couper l'approvisionnement de Boko Haram, le poussant à libérer des civils, analyse l'International Crisis Group (ICG) dans un rapport de mars 2017.

Avec AFP

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