Des agriculteurs étendent des bannières pendant une manifestation contre l'accord UE-Mercosur le 2 juillet 2019 au Mans, en France

Des agriculteurs étendent des bannières pendant une manifestation contre l'accord UE-Mercosur le 2 juillet 2019 au Mans, en France

afp.com/JEAN-FRANCOIS MONIER

"L'esprit, c'est de se mobiliser contre cet accord qui crée d'énormes distorsions de concurrence entre les agriculteurs français et les autres", ont indiqué à l'AFP des responsables des Jeunes Agriculteurs (JA), qui ont lancé un appel national avec le principal syndicat FNSEA, prévoyant "beaucoup de sorties de tracteurs".

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Même le vénérable conseil de l'agriculture française, qui réunit toute la profession agricole (syndicats, coopératives, banques, assurances, sécurité sociale), a "alerté" le gouvernement sur les "déséquilibres" qui seraient générés sur certaines filières agricoles par "l'actuel projet d'accord".

Depuis Bruxelles, le président Emmanuel Macron a défendu l'accord et mis en garde contre des attitudes "néoprotectionnistes" qui refuseraient la réciprocité des échanges.

"Ce sont les mêmes qui viennent me demander +Monsieur le président aidez-nous à accéder au marché chinois (...) au marché brésilien, à tel ou tel marché+. Mais le monde vit comment quand on accède à un marché ? Le marché veut accéder à nous !", a estimé M. Macron.

Il a assuré que, côté européen, des dispositions ont été prises pour protéger, via des quotas, des filières sensibles comme le boeuf et le sucre et évoqué une clause de sauvegarde qui permettrait de suspendre l'accord s'il venait à déséquilibrer en profondeur une filière.

Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB) et éleveur dans le Cantal, a annoncé à l'AFP sa présence devant la préfecture d'Aurillac pour dénoncer "les incohérences du gouvernement", et "montrer le ras-le-bol" des éleveurs.

Des rassemblements étaient prévus devant de nombreuses préfectures.

Dans la Loire, une soixantaine d'agriculteurs ont symboliquement déposé dans le calme leurs vêtements et leurs bottes devant la préfecture de Saint-Etienne.

Au préfet venu à leur rencontre, ils ont "fait part de l'absence de cohérence entre cet accord et les engagements sur les objectifs annoncés en faveur d'une alimentation saine", selon Guillaume Tailland, directeur de la FDSEA (départementale).

A Lille, une trentaine de personnes ont organisé un barbecue devant la préfecture avec des tracteurs et des pancartes tricolores: "j'aime manger français". Au Mans, ils étaient une quarantaine avec des tracteurs et une remorque remplie de pneus à stationner devant la cathédrale.

Des délégations d'agriculteurs ont rencontré les préfets du Gers et du Tarn.

"Des manifestants vont montrer que l'accord (UE-Mercosur) pourrait +impacter+ sensiblement la filière", a expliqué à l'AFP Florent Point, patron des JA Bourgogne-Franche-Comté, en laissant entendre que des tracteurs pourraient être mobilisés à Lons-le-Saunier ou Besançon.

- "L'île européenne"-

"On nous a fait croire qu'on était sur l'île européenne, et aujourd'hui, on voit bien que l'île européenne n'est plus étanche alors qu'on nous disait de monter en gamme", a déclaré Thierry Coué, président de la FRSEA (fédération régionale) de Bretagne.

"Il y a énormément de révolte et d'insatisfaction" chez les agriculteurs français, a renchéri la présidente de la FNSEA Christiane Lambert.

Dans les Deux-Sèvres, une trentaine d'agriculteurs étaient attendus devant la préfecture de Niort et les deux sous-préfectures de Parthenay et Bressuire, mais pas avant 22H30 pour cause de récoltes.

Dans l'Isère, les agriculteurs, victimes de grosses intempéries il y a 15 jours et encore de forts orages lundi soir, n'ont pas réussi à organiser quelque chose "du jour au lendemain" même s'ils se sentent "touchés", selon le président des Jeunes Agriculteurs Sébastien Poncet.

Le mécontentement pourrait s'installer. Dans la Creuse, une manifestation de grande ampleur est prévue la semaine prochaine.

- Les consommateurs appelés à la rescousse -

"L'accord ne sera pas signé si, au niveau du boeuf, on n'a pas de certitude sur la traçabilité, pas de certitude sur le bien-être animal, et sur les antibiotiques" administrés aux animaux, a tenté de rassurer le ministre Didier Guillaume devant l'Assemblée nationale.

Mais la Fédération des éleveurs bovins a jugé "impossible" de tels contrôles.

"L'accord Mercosur, avec celui du Ceta (UE-Canada), provoquerait la disparition de 30.000 éleveurs en France", sur 85.000, et la perte de 50.000 emplois directs, a indiqué M. Dufayet, sur la base d'une étude publiée par l'Institut de l'élevage.

"N'importons pas l'agriculture dont nous ne voulons pas", a déclaré Mme Lambert, évoquant "des activateurs de croissance antibiotiques sur les animaux", et des conditions d'élevage "où le bien-être animal, ce n'est même pas un mot connu du vocabulaire de ces pays-là".

"On ne peut pas d'un côté dire: +montez en gamme, faites beau, faites bien, faites bien-être+ et en même temps ouvrir les vannes à tout-va", a-t-elle ajouté. Pour Mme Lambert, "les consommateurs devraient être beaucoup plus bavards et notre salut passera par les consommateurs qui diront: +ce n'est pas ce que nous voulons dans nos assiettes+".

FNSEA et JA ont demandé dans une lettre ouverte au président Emmanuel Macron de les recevoir "dans les plus brefs délais".

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