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Santé

Journal de bord d'un réanimateur : "Sortir de ce cauchemar"

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Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, cet anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l'AFP le résumé de sa journée, vu de l'intérieur (photo d'illustration)
Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, cet anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l'AFP le résumé de sa journée, vu de l'intérieur (photo d'illustration)
AFP/Archives - Martin BUREAU

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l'AFP, sous couvert d'anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

- Mardi 31 mars -

"Hier il était prévu que je me repose mais finalement ça s'est transformé en une journée à l'hôpital. Le repos ça sera pour plus tard. Aujourd'hui je suis à nouveau de garde jusqu'à demain.

Quelques patients ont dû être mis sous assistance respiratoire quelques heures dans des salles de bloc opératoire, faute de place en réanimation. Plusieurs hôpitaux en Ile-de-France en sont là, dans l'attente de réussir à ouvrir des lits de réanimation supplémentaires.

Les choses s'amplifient franchement. Une cinquantaine d’appels du Samu aujourd'hui.

On ne prend même plus le temps de nous décrire ou d’écouter les détails de l'histoire du patient. Ça se résume aux quelques informations +cruciales+: c’est-à-dire covid confirmé ? Intubé ? Âge éventuellement ? Et ensuite on essaye de trouver une place dans le service. En boucle comme ça toute la journée...

Nous n'avons même plus le temps d’avoir des détails sur l'histoire des derniers jours, les antécédents précis ou l'entourage familial.

Le plus dur c'est indéniablement les patients pour lesquels on doit décider de +refuser+ l'admission en réanimation. C'est notre quotidien en réanimation de peser le bénéfice à attendre d'un séjour en réanimation au regard des séquelles qui peuvent en découler.

La différence actuellement avec les patients covid, c'est d'une part la quantité de patients chez qui ces discussions ont lieu quotidiennement et d'autre part qu'il nous manque des connaissances sur cette maladie pour pouvoir juger quels malades sont les plus susceptibles de bénéficier de la réanimation.

On est obligés de laisser en salle d'hospitalisation conventionnelle des patients qui en temps normal auraient été surveillés d’emblée en réanimation ou en unité de soins continus. La ressource manque.

On est obligés de repousser les limites partout, là où on peut en limitant autant que possible les risques pour les patients et en leur proposant les meilleurs soins possibles. On nous annonce une fin de semaine très difficile.

Honnêtement, je ne sais pas comment nous pourrons encore augmenter nos capacités de lits de réanimation.

Au-delà de ça, les équipes commencent vraiment à fatiguer. On a envie plus que jamais de sortir de ce cauchemar.

Les limitations thérapeutiques, l’absence de lien avec les familles, la même pathologie partout, la pression constante plus que jamais, les polémiques sans fin sur les traitements dits spécifiques. Certains perdent le sens des réalités. On peut le comprendre. Mais il faut que ça se termine le plus vite possible.

Au milieu de tout ça, on reçoit beaucoup (trop ?) de nourritures ou autre à l'hôpital. C’est touchant, surtout quand il y a des dessins ou des petits mots d'enfants qui accompagnent le paquet. C’est parfois un peu gênant aussi. On ne fait que notre métier. Dans des conditions difficiles, certes, mais ça ce n’est pas nouveau d'aujourd'hui..."

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