L'affiche du film "Annabelle" à l'entrée d'un cinéma parisien le 22 octobre 2014

L'affiche du film "Annabelle" à l'entrée d'un cinéma parisien le 22 octobre 2014

afp.com/Bertrand Guay

"Les adolescents se régalent de tout ce qui est interdit, tabou ou terrifiant car cela leur rappelle l'angoisse et le mystère" provoqués par la période qu'ils traversent, souligne Tom Nunan, professeur à la UCLA School of Theatre Film and Television à Los Angeles. "C'est un exutoire parfait aux terreurs réelles que l'adolescence peut engendrer".

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"On se fait peur pour ne plus avoir peur", explique Alex Lefebvre, professeur de psychologie clinique à la faculté de Bruxelles. "C'est comme si cela permettait de se préparer à des situations horribles en termes de vécu interne".

"La plupart des gens savent faire la part des choses et connaissent la différence entre la réalité et la fiction", ajoute le professeur. "Cette frontière peut être plus poreuse à l'adolescence mais les ados fragiles vont rarement voir des films d'horreur", un loisir qui se pratique souvent en bande, "où chacun joue la béquille de l'autre".

Les inconditionnels des films d'horreur interrogés par l'AFP évoquent, eux, le plaisir d'avoir peur "en toute sécurité" et le divertissement apporté par ces films.

Alexandre Prot, 32 ans, cocréateur du site Les Ingoruptibles, parle d'"un sentiment de peur qu'on ne peut ressentir nulle part ailleurs dans notre vie - du moins on l'espère -, des sensations extraordinaires, un peu comme les montagnes russes, une montée d'adrénaline".

Le tout sans courir de risque, dans le confort du fauteuil d'une salle de cinéma ou de son canapé devant un DVD.

- Moment de communion -

Jack Parker, pseudonyme de l'animatrice du Blog Horreur, âgée de 27 ans, dit "toujours aller en groupe au cinéma" et aime retrouver la communauté (fans, réalisateurs, acteurs...) dans les festivals.

Pendant la projection de "REC", un des sommets des films d'horreur, réalisé par le tandem espagnol Paco Plaza et Jaume Balaguero (2007), "tout le monde retenait son souffle dans la salle, criait en même temps", se souvient Alexandre Prot, évoquant un moment de communion.

"Annabelle", de qualité très médiocre selon les fans, a dû d'ailleurs être retiré de quelques salles en France car les ados qui venaient le voir en bandes perturbaient les séances: lancers de popcorn pendant la séance, commentaires à voix haute, cris et bousculades.

Les films d'horreur - qui sont interdits en France aux moins de 12 ou 16 ans - "nous renvoient aussi à nos peurs et nos cauchemars et c'est pour cela qu'il arrive souvent qu'on en rit. C'est un exutoire", indique Laurent Aknin, auteur des "Classiques du cinéma bis" (Nouveau monde éditions).

Selon lui, les films d'horreur, pas plus que le heavy metal, ne risquent de traumatiser les adolescents, et encore moins d'en faire des tueurs en puissance. "C'est une période où l'on a besoin d'expériences fortes et autant les avoir au cinéma, en sécurité".

Alex Lefebvre "n'encourage pas à voir" des films d'horreur mais il ne prône pas non plus leur interdiction.

Les vidéos ou images sur internet tirées du réel, que ce soit des photos de lycéennes dénudées distribuées à leur insu ou des scènes de violence, "sont infiniment plus impactantes", souligne-t-il. "Il n'y a plus +le pare-choc+ de la fiction" et elles sont bien plus destructrices pour le psychisme d'un individu.

"La réalité nous inflige des choses bien plus terribles", renchérit Alexandre Prot.

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